Colloque “Le flou du droit”

Colloque du 7 novembre 2025 à Dijon – Forum des savoirs (MSH)

Les notions à contenu variable, concepts flous qui présentent plus d’une solution interprétative possible dans l’interprétation d’un texte, intéressent les philosophes ou les spécialistes du langage et de la traduction, mais elles intéressent également les juristes, et ce plus spécialement depuis le développement de l’informatique juridique (E. Mackaay, Les notions floues en droit ou l’économie de l’imprécision, Langages, 1979, n°53, p. 33 ; Baker, Defeasibility and meaning, in Law, morality and society, Essays in honor of  H. L. A Hart, Clarendon Press, 1979 ; Ch. Perelman et R. Vander Elst (dir.), Les notions à contenu variable en droit, Revue internationale de droit comparé, Année 1985 37-4  p. 1105). Dans un ouvrage fondateur, publié il y a tout juste 40 ans et réédité 20 ans plus tard, M. Delmas-Marty pointait l’importance de ce flou dans un contexte de prolifération des normes, de profusion de sources, d’instabilité des règles, d’affaiblissement des hiérarchies, d’éclatement des catégories et de déstabilisation des logiques juridiques. Le droit ne paraissait plus être ce qu’il était officiellement supposé être : un ordre, un système cohérent. Face à ce constat, M. Delmas-Marty envisageait une recomposition du Droit et proposait, en 1994, de réinventer le droit commun (Pour un droit commun, 1994) en gardant ce flou qui lui apparaissait comme étant un garde-fou contre l’arbitraire, y compris en matière pénale. En liant le flou et le commun, M. Delmas-Marty appelait de ses vœux un droit consacré d’en bas comme une vérité partagée et évolutive. Penser le flou du Droit, dans la pensée de Delmas-Marty, conduit alors à en reconnaitre la présence et à se doter d’instruments pour penser juridiquement la complexité, avec exigence et rigueur, pour ordonner le multiple, ne pas se contenter de le constater mais « réinventer un droit commun ». En 2024, force est de constater que la complexité du droit ne cesse de croître, que les phénomènes observés avec acuité par M. Delmas-Marty se sont amplifiés, que le flou du Droit est plus que jamais présent, mais que le « commun » reste en question. Nombreuses sont les notions qui n’acquièrent un sens précis que dans un contexte concret de la vie sociale, qui semblent choisies délibérément floues ou qui sont comprises comme telles par les tribunaux pour leur permettre de bénéficier d’une flexibilité certaine dans l’application. Quelle analyse faire aujourd’hui de ce flou ? Est-ce un facteur favorable à l’innovation ? Ou au contraire, un frein en ce que, notamment, le flou génère de l’incertitude ? Que penser de ce flou à l’heure du développement de systèmes basés sur l’IA placés entre les mains des juristes mais aussi, plus largement, de tous les citoyens destinataires de ces normes, même floues, qu’ils sont censés connaitre ?

Ces interrogations seront traitées à partir d’exemples choisis au sein des 4 axes du laboratoire, chaque axe choisissant une ou deux notions. Un travail de réflexion sera mené de façon transversale au cours de l’année 2025 au sein du CID, en regroupant les membres titulaires, associés et les doctorants. Un colloque, sur une journée permettra de discuter des résultats, chaque axe présentant ses travaux et invitant un ou deux discutants extérieurs au CID.